Longtemps
figuratif, Raymond Dirlès a effectué un parcours des
plus classiques vers l’abstraction dans laquelle il
s’épanouit totalement. Sa peinture est gestuelle
et instinctive,mais aussi très construite et pensée,
même s’il se laisse aller au-delà de
l’idée première, là ou le pinceau
le mène. Souvent il élabore une construction
géométrique autour de laquelle s’articule
le tableau, et couleurs et formes s’organisent autour
comme des emboîtements. A partir du dessin instinctif,
il interprète les empreintes laissées et voit
ce qui sort. Chaque tableau est une aventure différente.
Il utilise l’acrylique pour une peinture très
lisse avec le moins de matière possible et cela donne
des œuvres très lumineuses.
Raymond Dirlès opère la mise en épure du non-dit
du sensible : seule, la peinture est capable de signifier
cette quête en profondeur.
Le regard qu’appellent ses toiles est invité à suivre l’élaboration
de cette dissection des plans colorés…De cette méditation
voluptueuse émerge alors un espace de profondeurs et proximités
que le peintre immobilise dans ses tournoiements baroques, nous entraînant
loin dans les résonances cruelles et graves de l’âme
Dirlès, avec la quiétude et la douceur qui transparaît
sur ses traits semble détaché de la pesanteur
temporelle, poursuivant sa quête artistique au
rythme de ses inspirations, de son plaisir qui devient
aussi le nôtre. Il joue avec l’espace, les
volumes et les formes. Les évaporations nuageuses
ou filandreuses du fond s’enchaînent aux
surimpressions aigües de figures géométriques
qui créent
parfois dans cet univers aérien, des déchirures
et des contrastes, mais aussi, accentuent le mouvement,
déplacent la lumière et creusent la profondeur
du tableau. Les plans colorés coexistent, l’un
prolongeant l’autre, faisant résonance ou écho,
ou simplement exaltant et dynamisant l’ensemble.
Chacun des tableaux de Dirlès nous invite à plonger
en lui, dans cette profondeur créée par
l’association d’espaces.
Puissant volcan de vie et douceur de prairie ou le ruisseau
serpente…
Je redeviens curieux. Je redeviens joyeux comme l’enfant
peut l’être comme l’enfant qui voit
pour la première fois la mer….
Le tableau me regarde m’intéresse et me
touche me fascine et m’attire.
Je m’approche et j’entends peu à peu
qu’il me dit, doux comme un coquillage tout contre
mon oreille son voyage.
Puissant volcan de vie et douceur de prairie ou le ruisseau
serpente…
De racines profondes au ventre de la terre jaillissent
feux et sources et l’air bleu des montagnes les
couleurs de leurs fleurs la femme nue que j’aime
et la vigne d’automne et le vin qui me grise en
oiseaux de printemps…. .
Je suis empli d’enfance comme un enfant qui joue,
Je suis en équilibre sur la pointe d’un
sein…
Avec ses toiles abstraites,colorées et chantantes,ce
plasticien,natif de Montauban,invite le public à découvrir
un univers ou respire une liberté totale. Hostile
au cloisonnement et allergique aux conventions,l'artiste
présente une soixantaine de ses œuvres,enjouées
et débordantes de vie.
"
au départ, j'étais un peintre figuratif
ou le sujet n'était qu'un support. Puis,au fil
du temps,j'ai fini par le supprimer". En est restée
une symphonie de couleurs, éclatantes,vives et
gaies.
Ici,tout est harmonie,son,résonance et écho,et
Dirlès joue avec les formes,l'espace et les volumes.
Pas de titre pour ses toiles, "car la peinture peut
se passer de littérature", plaisante-t-il.
L’œuvre de Dirlès à la fois
lyrique et construite, ressemble à notre époque
ou il est difficile aux poètes et aux rêveurs
de se frayer un chemin dans l ’univers du béton.
Il ne semble pas tellement possible de parler des œuvres
de Dirlès. C’est une écriture picturale
et graphique qui se livre directement à la sensualité.
Une sorte d’intimité rocailleuse et lumineuse à ciel
ouvert.
Toute l’œuvre de Dirlès est dominée
par l’amoncellement de la lumière. Les bords
de la toile deviennent peut-être, pour Dirlès, le chemin d’accès à cette intériorité mouvementée,
souple et chaude, à ces chevauchées de
couleur. Dirlès ne suit pas la mode. Il suit son
propre chemin de création.
… Un Dirlès … la réalité déconstruite,
décomposée, un rythme apparemment chaotique, de troubles harmonies
de lignes, de sons incertains ; on cherche à tâtons une réalité puissante
et persistante que l’on pourrait nommer : LIBERTE ; l’intelligence
raisonnée substituée par une sensation d’innocence.
Pas d’arme, pas de stratégie, c’est la peinture buissonnière
ardente d’imagination, non soumise, toute jaillissante de miraculeux
détails brodés d’instinct secoué.
Les peintures de Raymond Dirlès s’affirment dans
la teneur d’un regard et s’entêtent
au contact de l’espace. Essentielle, cette œuvre
nous met à l’épreuve. Elle ne séduit
pas, elle ne se refuse pas, elle nous implique à son
espace clos, à l’ouverture de la forme que
des lumières opaques et des ombres diffuses, se
mesurant les unes aux autres, disposent en une architecture
mentale ou déambuler du regard coïncide avec
le brusque arrêt d’un tout limité par
les dimensions du tableau. Pellicule colorée,
cet agrément pudique des choses du monde est en
même temps, le voile que l’exigence et l’attention
déchirent pour nous découvrir en deçà de
toute existence de convention et tout théâtre
de vanité.
Il y a de la joie, du bonheur et de la liberté.
J'aime ses couleurs et son "écriture" virevoltante.
Il devient "grand" Dirlès (grand à traduire
aussi bien dans le sens de la maturité que dans
le sens du talent)
PETIT TRAITE D'INSECABILITE DE MANIERES ET DE PERSPECTIVE
Sur l'œuvre d'art en général et sur l'œuvre
de Raymond Dirlés en particulier
J'ai horreur de la présence et de l'être-là au
sens le plus basique de ce que la présence contient:la
manifestation par le bruit.
Et j'ai horreur des présences : ces foules qui
ne daignent même pas regarder une œuvre d'art,
parce qu'il leur est devenu trop simple de le faire.
Et si je suis effrayé par le bruit, c'est que
je pencherais pour le silence. Tout silence me serait
bon et tout silence m'est bon.
J'ai plaisir de l'absence. Si je l'aime, c'est qu'il
me faudrait des silences, voire des blocs de silence. Ils gouverneraient ma page et feraient tourner mes
heures. ils seraient mon livre, ma compagne, ma campagne
même, ma Lomagne tant qu'à faire, mon
regard et mes mots.
Mais ils ne seraient plus là, à vrai
dire, ni l'heure ni son reflet, encore moins sa forme
et toute forme d'heure. j'errerais fixement : et je
m'assiérais en face de cette œuvre : un tableau
de Raymond Dirlés. J'ai gagné car j'ai
vaincu les foules. J'ai gagné ma propre forme
et à présent je le partage. Le tableau
et moi. Nous nous échangeons nos joies, nos
femmes et nos jours. Il me rappelle l'exigence qu'il
attend de moi, celle de ne plus rejoindre la foule et
de le porter toujours, lui une œuvre, dans son étroit
rapport de l'image et - surtout - d'essence. L'Art ne
sert à rien, en effet, il n'est qu'un mode d'existence
et un médiateur. Ces élans jaunes que
j'aperçois, ne seraient-ils un sourire de femme
? Et ce vert un bois ? D'ailleurs le chemin qui y mène
est brun. Quant à moi, je prendrais bien de l'air
du ciel dans ce bleu, encore eut-il fallu lever les
yeux, se le dire et le lire, résonner
dans la claire conscience de vouloir apercevoir ce ciel, comme j'aurais tendance, plutôt, à scruter
un tableau, peut-être dans le but trop grossier
que je me suis fixé d'accomplir dans l'Art, et
par définition dans une vie : contempler.
Il me souvient un dialogue (d'ancienne lecture) qu'avait
eu le peintre Henri Matisse et le poète Louis
Aragon. Ce dernier lui avait alors demandé,
en parlant de ses nus, à quoi servaient des modèles
si c'etait pour s'en éloigner, car en effet la
peinture matusienne ne suivait pas les formes qu'elle
prenait pourtant pour modèles. Le peintre répondit
alors à son ami : << Car s'il n'y avait
pas de modèles, on ne pourrait pas s'en éloigner >>.
Ce que donne à voir la réalité,
c'est son démantèlement méme. Ce
n'est plus la même matière. Nous assistons à une
dominance de l'œuvre sur l'artiste. Et ce que l'artiste
donne à voir de lui-même : Personne. Une
autre réalité comme un autre monde, agréable
et enchanteur.
L'art de Raymond Dirlès tient au langage. Quand
je vois ses tableaux, il me semble les lire. Et il
se tient à lui un formidable appel à l'échange,
un abime de derrière la toile, de derrière
l'heure une fois de plus, cette même contemplation
en éprouvant le paysage à travers la fenêtre,
la troisième symphonie de Brahms, l'écoute
de la musique de Vinteuil dans A la recherche du temps
perdu, ou, pour le meilleur dans le meilleur des mondes
: une promenade dans les bois de Maubec (autre village
en Lomagne, à quelques kilométres de Balignac
).
(En rappel : Petit traité d'insécabilité,
de manières et de perspective ). Les manières
des œuvres, si l'on peut dire, leur caprice,
leur non-dit fondamental, c'est le rapport précis
qu'elles entretiennent avec le Lieu. L'œuvre de
Raymond Dirlès s'imprègne de cette méditation
et elle garde un équilibre physique. Le nommerait-on
nulle part ? De nulle part la couleur, de nulle part
son nom (par l'absence de titres). Les peintures sont
arrachées au lointain, arrachées aux morts
et arrachées au Temps, arrachées au Lieu
surtout, à leur origine et, à la fois, à leur
devenir. L'œuvre d'art ne sert à rien
car elle ne se conçoit pas. Elle ne sera jamais
un tableau ou un titre. Elle ne sera jamais une sculpture,
pas plus qu'un assemblage. Mais elle sera un Lieu de
manières et de perspective. Une œuvre
d'art, certes, mais plongée dans un nulle part
ambiant, dans un couloir ou sur un mur, dans une collection
ou dans une galerie, sur des briques ou sur des pierres.
L'œuvre d'art ne vit que par le paraître et sa
seule consistance est celle que le Lieu lui donne, qu'elle
soit dans une réserve ou exposée à la
lumière.
Le tableau nous échappe. Il nous cerne et cerne
notre attente, ou l'attente qu'il attend de nous, l'attente
qui nous fait attendre à jamais, l'attente,
seulement, de l'instant, fugitif et parfois cruel,
mais contemplatif et heureux, de ce pincement émouvant
et pourtant grave, de la sensation de bien-être.
Il est cet instant de la réconciliation, d'après
Kant, ou se joignent le particulier et l'universel,l'imagination
et l'entendement. Il nous fait savoir et nous fait concevoir
tout ce qu'il attend. Nous ne sommes plus qu'élèves
en face de lui,le Lieu de chair, le Lieu de la vue, ou
se produit, dans un éclatement de couleurs, la
réunion du sensible et de l'intelligible
ou, comme dans la formule kantienne le démontre,la
brutale entente du << libre jeu de nos facultés
hétérogènes >>. L'essence,
donc. Les Sens.
Mathieu FRANCOIS
DU BERTRAND
|
L'art de Raymond Dirlès tient au
langage. Quand je vois ces tableaux,
il me semble les lire. Et il se
tient à lui un formidable appel
à l'échange, un abîme de derrière
la toile... et tout le travail
de Raymond Dirlès est une quête
du Sacré, mais d'un sacré proprement
humain, intélligible par la langage
et ouvert comme un paysage.
Mathieu FRANCOIS
DU BERTRAND
|
Raymond Dirlès ne peut exister
que par la création. Son univers
est liberté totale et néanmoins
structuré. Derrière la discrétion
et la pudeur de l'homme j'aillissent
des peintures joyeuses, enjouées,
débordantes de vie.